La transmission du patrimoine dans une famille recomposée soulève de nombreuses questions : comment protéger son nouveau conjoint sans léser ses enfants d’une première union ? Quelle stratégie permet d’anticiper les tensions entre héritiers ? Le démembrement de la clause bénéficiaire d’assurance-vie se révèle particulièrement adapté à ces enjeux. Mais pour bien le mettre en œuvre, il faut comprendre les règles civiles et fiscales qui encadrent la succession.

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Familles recomposées : des règles complexes à anticiper 

Les héritiers réservataires et la quotité disponible 


La loi protège certains héritiers dits « réservataires » : ce sont les descendants (enfants, petits-enfants dans le cas d’un prédécès d’un enfant du défunt, par mécanisme de représentation), à qui une part minimale du patrimoine est obligatoirement transmise. Cette part varie selon le nombre d’enfants : 

- 1 enfant : 1/2 du patrimoine 
- 2 enfants : 2/3 du patrimoine 
- 3 enfants ou plus : ¾ du patrimoine 

La part restante, appelée quotité disponible, peut être librement transmise, par donation ou testament. En l’absence d’enfants, le conjoint devient réservataire et reçoit automatiquement 25 % du patrimoine. La loi interdit donc d’exhéréder (= de déshériter) totalement certains héritiers. 

A noter qu’il est possible d’exhéreder son conjoint.

 

Statut juridique des membres d’une famille recomposée 


Le Code civil ne reconnaît pas la famille recomposée comme entité juridique. Les beaux-enfants ne sont pas des héritiers légaux, sauf adoption. Il est donc essentiel d’organiser la succession en amont pour inclure ou protéger ces membres. 
 

La clause bénéficiaire démembrée : une stratégie puissante 

Définition et fonctionnement 


La clause démembrée permet de répartir les droits issus d’un contrat d’assurance-vie entre : 

- L’usufruitier : souvent le conjoint survivant, qui dispose des fonds (intérêts, capital). 
- Le(s) nu(s)-propriétaire(s) : généralement les enfants, qui recevront le capital au décès de l’usufruitier via une créance de restitution. 

 

Comment fonctionne cette créance de restitution ?

 
Lorsque le contrat est dénoué au décès du souscripteur, le capital est versé à l’usufruitier, qui peut l’utiliser librement. Les nus-propriétaires n’en perçoivent rien immédiatement, mais bénéficient d’un droit : au décès de l’usufruitier, ils pourront récupérer une somme équivalente sous forme de créance sur la succession de ce dernier. 
Autrement dit, la part utilisée par le conjoint devient une dette de succession, que ses héritiers devront rembourser aux nus-propriétaires. Ce mécanisme, appelé quasi-usufruit, permet de préserver les intérêts des enfants tout en laissant au conjoint une grande liberté d’usage. 

Ce mécanisme repose sur un barème fiscal (article 669 du CGI) déterminant la valeur respective des droits selon l’âge de l’usufruitier. Par exemple, à 75 ans, l’usufruit représente 30 % du capital. 

À noter : en cas de démembrement, les possibilités de retrait ou de cession des parts sont limitées. Il est donc conseillé aux porteurs de parts démembrées de conserver leurs droits pendant toute la durée du démembrement. 

 

Un exemple concret : 


Louis, 67 ans, souscrit une assurance-vie de 750 000 €. Il désigne son épouse comme usufruitière et ses deux enfants comme nus-propriétaires. À son décès, le contrat vaut 1 000 000 €. L’épouse (75 ans) bénéficie de 300 000 € en franchise d’impôt. Les enfants reçoivent chacun 350 000 €, avec un abattement spécifique de 106 750 €, soit 48 650 € d’impôt chacun. Résultat : une double transmission, avec une fiscalité optimisée. 

Cas particuliers et précautions pour transmettre son patrimoine en famille recomposée 

Démembrement viager ou temporaire 


- Viager : l’usufruit s’éteint au décès. Il est idéal pour les successions avec transmission différée. 
- Temporaire : limité dans le temps (ex. 10 ou 15 ans), l’usufruit est évalué à 23 % de la pleine propriété par tranche de 10 ans. Cela permet de planifier une transmission plus encadrée. 

 

Sécurisation des droits 


Une convention de quasi-usufruit est vivement recommandée pour préciser les modalités de gestion des fonds et garantir la créance de restitution aux nus-propriétaires. Elle peut prévoir : 

- Un inventaire des capitaux 
- Une clause de remploi 
- L’intervention d’un tiers administrateur 

Alternatives et outils complémentaires pour le cas d’une famille recomposée

Donation simple vs donation-partage


- Simple : libre, mais la valeur du bien est réévaluée au décès. 
- Partage : la valeur est figée au moment de la donation. Idéale pour éviter les conflits futurs. 

 

Donation graduelle et résiduelle 


- Graduelle : le donataire doit conserver le bien et le transmettre à une autre personne désignée. 
- Résiduelle : pas d’obligation de conservation, mais obligation de transmettre ce qu’il en reste. 

 

SCI et démembrement croisé 


La SCI familiale permet de gérer collectivement un bien immobilier. Les parts peuvent être démembrées : le conjoint en conserve l’usufruit, les enfants la nue-propriété. Cela évite les blocages en indivision. 
 

Fiscalité avantageuse 

Abattements et exonérations 


- 152 500 € par bénéficiaire pour les primes versées avant 70 ans 
- Après 70 ans : exonération sur les premiers 30 500 €, puis droits de succession classiques 

Aussi, les dispositions fiscales valent à date d'analyse, celles-ci peuvent évoluer dans le temps avec des impacts potentiellement défavorables (rétroactivité de certaines lois fiscales). Le bénéfice fiscal dépend de la situation fiscale propre à chaque client. 

 

Transmission transgénérationnelle 


Le démembrement permet de profiter d’une double génération d’abattements : les grands-parents peuvent transmettre en usufruit à leurs enfants et en nue-propriété à leurs petits-enfants.